En octobre 2003 je reçois un mail de la mère supérieure du couvent de la Visitation-Sainte Marie situé dans la banlieue proche d’Avignon. Pour le centenaire de la doyenne de la communauté, ancienne supérieure du couvent, sa famille envisageait d’offrir un objet religieux et la sœur concernée a penché pour un ostensoir.
La jeune supérieure a précisé : « Il portera « Celui qui porte le monde », mais aussi celui qui dirige notre prière et notre louange pour le monde ».
A commencé un riche échange par mails car nous avons rencontré la supérieure et la communauté des sœurs uniquement à la livraison de l’ostensoir, c’est à dire fin janvier 2004.
Pendant ces 4 mois, une trentaine de mails ont été échangés, dessins, expression des idées et images que se faisait la communauté des sœurs, modifications, suggestions, courrier varié dans la forme et le ton. J’en donne quelques extraits significatifs.
Au début la supérieure écrit : « Je vous laisse le soin de la création… Nous (les sœurs de la communauté) nous sommes à « notre place », c’est à dire les priantes, comme Moïse sur la montagne. Josué se battait dans la plaine pendant ce temps-là. Je ne pense pas pouvoir dire que vous vous battez avec votre coup de crayon tout de même, mais c’est un peu ça » et elle ajoute un smiley !
Cette simplicité et cet humour m’ont fait aussitôt imaginer une pièce rayonnante, légère, laissant passer la lumière. Dès réception du premier dessin, la sœur m’écrit : « je trouve géniale l’idée de mouvement de l’ensemble et du pied : Marie part en toute hâte vers sa cousine Elisabeth, elle porte en elle le Fils de Dieu. (C’est donc la Visitation, nom de l’ordre du couvent). Elle ajoute : « On peut y voir aussi les pétales d’une marguerite…Sainte Marguerite Marie. J’y vois aussi le Soleil dansant de Fatima, il s’était mis à tourner sur lui-même. »
Plus tard, un prêtre ayant demandé de « christianiser » le « soleil » l’échange s’est élargi à toute la communauté, la supérieure raconte :
« L’une proposait la croix en haut, mais s’est rendu compte que cela cassait le mouvement. Une autre en riant disait « c’est mieux, au moins la Vierge a une croix pectorale comme nous » Nous avons bien ri de cette image ».
Des aspects religieux, d’autres très pratiques sont ainsi abordés au fil des semaines.
J’ai tenu la communauté au courant de l’évolution du travail en envoyant régulièrement des photos de l’avancement de la pièce.
Je souhaite raconter ici une dernière anecdote qui montre encore combien le trio client, créateur et matière est vivant et riche. Le projet initial était de faire la partie centrale en vermeil. La sœur ayant peur que cette dernière s’use dans le temps me demande d’étudier le poids si on faisait cette partie en or. Calcul fait, il me fallait 169 gr.
« Le Seigneur fait bien les choses », me répond la sœur, « notre communauté a eu un legs de 26 napoléons il y a de nombreuses années et cela correspond à votre poids ! ».
Les napoléons ont été cousus dans un chiffon un à un et expédiés par la poste. Pièces que j’ai fondues et mises au titre de 750/1000 ou 18 carats. Les napoléons sont au titre de 900/1000, j’ai dû y ajouter du cuivre pour arriver à 750.
En regardant cet ostensoir aujourd’hui, je souris à me rappeler tout ce parcours de création.